Le conseil communal d'Auderghem, réuni en séance le 30.01.2025 a adopté par 20 voix pour et 10 abstentions la motion suivante :
Le conseil communal de d’Auderghem réuni en séance publique,
Vu l’article 4 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré structuré à deux niveaux, lequel précise que la coordination de la gestion de la police locale nécessite un plan national de sécurité élaboré par les Ministres de l’Intérieur et de la Justice ;
Vu son article 9, lequel prévoit que la division du territoire de l’arrondissement administratif de Bruxelles-capitale en zones de police ne peut avoir lieu que sur avis des bourgmestres concernés, du procureur général et du gouverneur, et sur consultation des conseils communaux concernés ;
Vu son article 91/2, lequel précise qu’une fusion des zones de police ne peut être que volontaire, c’est-à-dire demandée par les conseils de police des zones de police pluri-communales concernées aux Ministres de l’Intérieur et de la Justice ;
Vu la note déposée par BRULOCALIS (Association des ville et communes de Bruxelles) en conférence des bourgmestres du 15 janvier 2025 concernant le financement de la police locale et taille optimale des zones de police;
Vu les récentes prises de parole et positions exprimées par différents partis ou intervenants politiques à propos de la fusion des six zones de police bruxelloises ;
Vu l’avis unanime de la Conférence des Bourgmestres s’opposant à la fusion des six zones de police ;
Considérant que la fusion des zones de police bruxelloises vise à pallier l’insuffisance des effectifs de la police fédérale et singulièrement dans les missions qui lui incombent pourtant à Bruxelles (lutte contre la grande criminalité, protection des institutions internationales et européennes, soutien aux opérations de maintien de l’ordre, …)
Considérant les multiples déclarations du ministre des pouvoirs locaux bruxellois, Monsieur Bernard Clerfayt, et Rudy Vervoort, Ministre Président de la Région de Bruxelles Capitale, qui soulignent que la dotation fédérale par policier est plus faible à Bruxelles par rapport à la moyenne nationale, et que la fusion des zones de police pourrait affaiblir la proximité et l'efficacité du service de police locale, essentielle à la prévention et à la connaissance du terrain ;
Considérant que la question du sous-financement des zones de police bruxelloises, tant en valeur absolue que relativement au reste du pays, reste problématique, ce qui est la véritable cause du manque de moyens mis à disposition des polices bruxelloises ;
Considérant qu’il est réaliste d’évoquer, a minima, une somme totale de 500 millions d’euros de sous-financement du Fédéral sous la présente législature pour les zones de police bruxelloises. Ce sous-financement structurel s’est traduit dans les dotations communales aux zones, par une progression de 93 millions d’euros depuis 2019 pour 460 millions d’euros en 2024 ;
Considérant que ramené au nombre d’habitants, ce financement communal, de 370,8 euros par habitant est deux fois plus élevé́ qu’en Wallonie (184 euros/hab) et en Flandre (193 euros/hab) ;
Considérant les besoins spécifiques de Bruxelles en termes de sécurité, et que la dotation actuelle des zones bruxelloises est insuffisante ;
Considérant que le modèle de police de proximité, avec six zones distinctes, permet une gestion plus fine et adaptée aux réalités locales des 19 communes bruxelloises et qu'une fusion risque fortement d'éloigner les services de police des citoyens, affectant la qualité du service rendu de facto ;
Considérant à cet égard que le système de six zones de police participe à la logique de proximité en faisant remonter des informations locales aux niveaux de pouvoirs supérieurs et en répondant aux réalités propres à chaque zone ; mais aussi que la police de proximité présente une plus-value considérable dans la lutte contre la criminalité ;
Considérant que la fusion des zones de police risque de diminuer les capacités des communes à agir en matière de sécurité et d’ordre public sur leur territoire, ce qui affaiblirait le caractère local et participatif de la gestion de la sécurité à Bruxelles ;
Considérant que l'Accord institutionnel pour la Sixième Réforme de l'État du 11 octobre 2011 ne prévoit pas de fusion des zones de police bruxelloises mais l’encouragement d’une mutualisation de certains services administratifs des zones de police ;
Considérant que la coopération entre les six zones de police bruxelloises est effective sur plusieurs plans : gestion négociée de l’espace public, maintien de l’ordre, lutte contre la criminalité ; que des protocoles ont été conclus à cette fin et que les chefs de corps tiennent des réunions régulières pour renforcer la coopérations entre leurs services ;
Considérant que les propositions de fusion des zones de police bruxelloises ne se basent sur aucun diagnostic ou audit mettant en évidence qu’elles dysfonctionneraient en raison de leur structure particulière ou qu’elles fonctionneraient mieux sous une autre forme ; qu’au contraire des études récentes, dont celle de l’université de Gand, établissent qu’une fusion n’apporterait aucune plus-value à l’efficacité du travail des zones de police bruxelloises ;
Considérant que le Conseil régional de sécurité, propre à la Région bruxelloise, permet déjà une coordination et un échange d’informations entre les six zones de police bruxelloise ;
Considérant que la récente étude de l’Université de Gand évoque une fourchette de « 300 à 500 opérationnels » comme étant la taille idéale pour une zone de police ;
Considérant que la Ministre de l’Intérieur, Madame Verlinden, évoque des zones de 500 opérationnels, lorsqu’elle a émis la volonté́ de passer de 182 zones à une quarantaine ;
Considérant que toutes les zones de police bruxelloises auraient dès lors déjà la taille optimale et qu’elles se retrouvent d’ailleurs toutes dans le top 12 des plus grandes zones de polices belges ;
Considérant qu’une telle fusion appliquée au reste du Royaume limiterait à 4-6 zones de police la couverture tant en Flandre qu’en Wallonie ;
Considérant qu'une fusion des zones de police n'apporterait par ailleurs pas de réponse adaptée aux défis spécifiques de la Région bruxelloise, comme en témoigne l'expérience de la zone unique d'Anvers, où la criminalité n’a pas diminué de manière significative malgré la centralisation et une population deux fois inférieure ;
Considérant que les six zones de police bruxelloise doivent assurer la sécurité de plus d’1,2 millions d’habitants et plus de 400.000 navetteurs, contre 552.787 habitants dans la zone de police unique d’Anvers ; mais aussi que la densité de population dans les zones de police bruxelloises est de deux à quatre fois plus importante que dans la zone de police unique d’Anvers ;
Considérant de plus que pour une population moins importante (1 millions d’habitants), le Brabant flamand compte 27 zones de police, contre uniquement 6 zones de polices pour 19 communes à la Région bruxelloise (1,2 millions d’habitants) ;
Considérant à cet égard que les zones de police bruxelloises comptent une moyenne de 3,2 communes par zone de police, contre 2,6 communes en Flandre ;
Considérant que les communes bruxelloises ne pourront assurer leur mission de police de proximité, de prévention et de gestion des phénomènes locaux qu’en présence de moyens budgétaires et humains suffisants ;
Considérant qu’entre 28 et 30% % du budget des zones de police bruxelloises dépend de leur dotation fédérale, et qu’entre 85 et 90 % de ce budget est affecté aux dépenses de personnel les économies réalisées par une fusion seraient dès lors marginales, voire inexistantes ;
Considérant que les communes bruxelloises n’ont pas à combler les économies décidées par le gouvernement fédéral pour garantir le même niveau de sécurité à leurs habitants ;
Considérant enfin que la norme KUL de financement des zones de police bruxelloises, qui défavorisait déjà la Région de Bruxelles-Capitale à sa création, n’a plus été actualisée depuis 2001 alors que la population bruxelloise a depuis lors cru de près de 20% et qu’elle ne tient pas compte des éléments propres à la Région bruxelloise (trafic routier, criminalité urbaine, activité nocturne et de week-end plus importante, dimension internationale plus importante) ; qu’à cet égard, en 2023, une enquête de Bruxelles Pouvoirs Locaux (BPL) a confirmé que le système actuel désavantageait la Région-Capitale ;
Considérant que la part de la norme KUL dans le financement des zones de police bruxelloises devraient s’élever à 36% mais qu’elle ne s’élève aujourd’hui qu’à 26% ;
Le Conseil communal d’Auderghem :
-
Réaffirme, comme l’ensemble des Bourgmestres bruxellois, son opposition ferme à la fusion des six zones de police bruxelloises et demande le maintien de l'autonomie des zones existantes, tout en poursuivant et renforçant la collaboration entre elles ;
-
invite les prochains gouvernements fédéral et régional bruxellois
-
à poursuivre les discussions avec les bourgmestres des 19 communes et les chefs de corps des six zones bruxelloises pour une sécurité renforcée basée sur la police de proximité
-
à étendre les collaborations en associant les communes limitrophes concernées par des phénomènes de criminalité semblables, comme Vilvorde, et/ou liés à l’aéroport.
-
-
demande au futur gouvernement fédéral de revoir la norme de financement des zones de police bruxelloises (norme KUL) afin d’augmenter les dotations fédérales, proportionnellement à la population et aux enjeux de sécurité et d’ordre public spécifiques à Bruxelles.
-
demande au futur Gouvernement fédéral sa pleine collaboration avec les zones de police bruxelloises pour améliorer la sécurité dans sa capitale en assumant ses compétences propres (lutte contre la criminalité organisée, trafic de drogues et d’armes, police des chemins de fer, etc.), mais aussi en garantissant un financement adéquat de la justice (singulièrement du Parquet de Bruxelles) et en développant une politique de l’accueil efficace et digne.