Interpellation des habitants - Loi du 15 décembre 1980
Madame France De Staercke, prend la parole au nom des habitants qui ont signé l'interpellation.
Monsieur le Bourgmestre,
Mesdames et Messieurs membres du Collège,
Par la présente, des citoyens et citoyennes d’Auderghem vous demandent de pouvoir interpeler le Conseil des Bourgmestre et échevins dans le contexte préoccupant d’aujourd’hui.
En effet, considérant le développement d’une crise sociale, conséquente à la crise sanitaire ;
Considérant que la crise du Covid-19 et les mesures de confinement ont eu, pour effet immédiat, la mise à l’arrêt de pans entiers de l’économie formelle mais également informelle ;
Considérant la longue période de fermeture de commerces et l’annulation des événements culturels et artistiques qui impacte sévèrement des milliers de travailleur·e·s aux statuts déjà très précaires dont les personnes sans papiers ;
Considérant les mesures prises par les différents gouvernements – le moratoire des expulsions, la prolongation de la période hivernale et les diverses aides-judicieuses mais insuffisantes pour répondre à la détresse des familles et des isolés ;
Considérant que le la situation sanitaire et le défi collectif du confinement auxquels l’ensemble des habitant·e·s de notre commune fait actuellement face, nécessite une réponse identique pour tou·te·s et indépendante de leur situation administrative ;
Considérant que les personnes sans titre de séjour doivent avoir accès aux masques, dépistages et tracing au même titre que l’ensemble de la population et ce, sans risques de poursuite de l’Office des Etrangers ;
Considérant que depuis le confinement, les demandes d’asile ont été temporairement gelées et que les modalités d’inscription pour déposer les demandes ont changé, mais que, par ailleurs les ordres de quitter le territoire continuent à tomber alors que les frontières sont fermées et que le transport aérien est quasi à l’arrêt, mettant ainsi une pression administrative supplémentaire et provoquant une précarité extrême des publics concernés ;
Considérant qu’en agissant ainsi, l’Etat plonge des personnes sans papiers ni titres de séjours et des demandeurs d’asile dans la clandestinité ;
Considérant que de nombreux demandeurs d’asile n’obtiennent pas de place dans les centres d’hébergement, celles-ci étant insuffisantes, et que suite à la décision de la secrétaire d’Etat à la migration, de ne plus octroyer les aides aux personnes qui ne sont pas hébergées dans les centres officiels pour demandeurs d’asile, ces personnes n’ont donc droit à aucune aide sociale et juridique et un accès très limité aux soins de santé ;
Considérant que la régularisation pour ces personnes qui résident et travaillent déjà dans notre commune est bénéfique pour la société toute entière : eu égard à la pandémie de covid-19 cette régularisation leur permettra d’avoir accès à notre système de protection sociale et, à terme, de pouvoir jouir d’un emploi déclaré, d’un accès à un logement et d’une scolarité complète pour leurs enfants ;
Considérant enfin que l’égalité de toutes et tous, fondement essentiel de notre société et indispensable à sa survie, est donc d’autant plus mise à mal en cette période de crise sanitaire ;
Considérant que la Commune d’Auderghem s’est déclarée Commune hospitalière le 1er mars 2018 ajoutant ce geste à des actions solidaires déjà en place et ouvrant une nouvelle perspective de société plus inclusive où le niveau communal joue un rôle clé, au plus près de ses citoyens et en lien actif avec les autres niveaux de pouvoir ;
Considérant que de nombreux acteurs de la commune d’Auderghem sont engagés dans le soutien des personnes sans titre de séjour, avec notamment le concours des autorités communales, illustrant par-là comment le lien entre les différents niveaux de pouvoir peut réconcilier citoyens et politique ;
Nous demandons au Conseil communal de :
- De demander aux autorités fédérales de suspendre toute procédure d’éloignement ou tout demande de délivrance d’ordres de quitter le territoire (OQT) pendant l’épidémie du coronavirus ;
- D’exhorter le Gouvernement fédéral à reconnaître l’épidémie mondiale de coronavirus (Covid-19) comme « circonstance exceptionnelle », tel que mentionné à l’article 9bis de la Loi du 15 décembre 1980, afin de régulariser la situation des personnes sans papier présentes sur notre territoire depuis suffisamment longtemps pour qu’on puisse considérer comme un traitement inhumain leur expulsion dans un pays étranger compte tenu que leur vie est désormais solidement ancrée dans notre commune ou sur notre territoire, ceci afin de leur garantir l’accès aux services de santé nationaux, aux prestations sociales, aux comptes bancaires et aux contrats de travail et de location ;
- D’exiger du Gouvernement fédéral de modifier la Loi du 15 décembre 1980 (régissant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers), en fixant des critères de régularisation objectifs, clairs et transparents permettant l’octroi du titre de séjour prévu à l’article 9bis de la Loi du 15 décembre 1980. Ces critères devront être mis en œuvre par une commission indépendante dans le cadre d’une procédure unique et structurelle ;
- De demander aux autorités fédérales de soutenir tous les CPAS du pays en remboursant le Revenu d’Intégration (RI) à hauteur de 90% (au lieu de 70%) afin de leur permettre de répondre favorablement à l’urgence du terrain ;
- De demander aux autorités régionales d’augmenter la capacité des parcours d’accueil pour primo-arrivants et de prévoir les budgets à la hauteur de l’enjeu afin de contribuer à l’insertion sociale et socio-professionnelle des primo-arrivants, de favoriser l’apprentissage d’une langue nationale et la participation à une formation citoyenne ;
- Et enfin à tous les niveaux de compétences, de porter une attention particulière aux mineurs concernant leur scolarité, leur logement, leurs conditions de vie et leur santé mentale.
Monsieur Didier Gosuin, Bourgmestre répond pour le Collège.
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Je souhaite tout d’abord saluer, au nom de l’ensemble du Collège, l’implication de nombreux citoyens et collectifs pour leur engagement quotidien à agir en faveur des personnes sans-papiers.
La crise sanitaire que nous vivons est exceptionnelle dans son ampleur et ses conséquences. Elle n’appelle pas à une déclaration d’état d’urgence uniquement dans les dimensions sociale et économique. Elle interpelle le citoyen et la société dans tous les aspects de la vie, du quotidien. Les Autorités, dont la commune - institution de proximité par excellence – se doivent de porter leur attention à tous les impacts de la crise et pour tous les citoyens et/ou secteurs qui en subissent les désagréments.
Cette crise aura ébranlé des situations économiques établies, affaibli les apprentissages pédagogiques, fragilisé les travailleurs en perte d’activité et laissé pour compte celles et ceux qui souffraient déjà avant l’arrivée de l’épidémie.
La situation sanitaire et le défi collectif du confinement auxquels l’ensemble des habitant.e.s de notre commune ont dû et doivent encore faire face, nécessite une réponse identique pour toutes et tous, et ce indépendamment de leur situation administrative ;
Je tiens à rappeler que de nombreux acteurs de la commune d'Auderghem sont engagés dans le soutien des personnes sans titre de séjour avec notamment le concours des autorités communales depuis de nombreuses années et que la commune d’Auderghem est déclarée « commune hospitalière » depuis le 1er mars 2018.
L’égalité de toutes et tous, fondement essentiel de notre société et indispensable à sa survie, est d’autant plus mise à mal en cette période de crise sanitaire.
La commune d’Auderghem s’engage donc à demander à l’Etat fédéral qu’il soit mis fin, et ce tant que durera la crise, à la détention et l’éloignement d’étrangers qui n’ont pas commis d’autre délit que d’être en infraction avec les lois sur le séjour, parce que c’est inacceptable humainement de poursuivre ces procédures en temps de crise sanitaire mondiale.
La commune d’Auderghem ne soutiendra cependant pas votre demande de régulariser automatiquement et inconditionnellement la situation des personnes sans papiers présentes sur notre territoire. Il ne peut y avoir de régularisation sans procédure. Ce serait, en fait, profondément injuste.
Cependant, les autorités communales soutiennent le principe d’une régularisation rapide, mais cadrée, sur base de critères clairs inscrits dans la loi. La présente crise n’empêche en rien de procéder à e telles régularisations, à chaque fois sur base individuelle, à chaque fois à l’issue d’une procédure véritable, et ce par une commission indépendante.
Nous demandons donc à voir fixés dans la loi les critères de régularisations individuelles pour répondre aux attentes des étrangers qui sont en séjour illégal alors qu'ils résident parfois sur le territoire belge depuis très longtemps, y ont fait des études, etc.
Nous demandons donc l'inscription de six critères clairs et précis permettant l'octroi du titre de séjour dans l'article 9bis de la Loi du 15 décembre 1980 (qui régit l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers) :
- l'apatridie
- le séjour en Belgique depuis plus de 5 ans
- la réussite d'une formation professionnelle et l'exercice d'une profession dans un secteur de pénurie de main-d'œuvre
- le fait d'avoir des enfants qui suivent notre cursus scolaire en primaire ou secondaire depuis plus de deux ans
- l'impossibilité de retourner dans le pays d'origine pour des raisons indépendantes de leur volonté
- l'impossibilité de retourner dans le pays d'origine sous peine de constituer une violation de leurs droits fondamentaux
Ces critères devront être mis en œuvre par une commission indépendante dans le cadre d'une procédure unique et structurelle.
Enfin, la commune d’Auderghem demandera à tous les niveaux de compétences de porter une attention particulière aux mineurs concernant leur scolarité, leur logement, leurs conditions de vie et leur santé mentale.